“Remote cue”, “clean feed”, “mix-minus”, et “téléphones hybrides”
Quatre termes mystérieux dont vous vous êtes toujours demandé ce qu'ils signifiaient sans jamais avoir osé le demander ?
Il est souvent nécessaire d'intervenir dans un studio depuis un lieu distant, soit pour la diffusion en direct, soit pour enregistrer l'intervention et la diffuser plus tard, ou dans des applications comme les doublages pour des publicités ou bandes son de films. De telles interventions peuvent aller d'un simple appel téléphonique d'un auditeur à un reportage sportif en haute qualité audio, en passant par une source satellite depuis une zone de combat. Les interventions peuvent contenir du son et de l'image mais dans tous les cas il est nécessaire que le participant puisse répondre au studio au moment voulu. Cela impliquera généralement d'envoyer une certaine sorte de signal au participant distant sous la forme d'un "top" audio ou visuel. La plupart du temps aujourd'hui, ce signal est un repère audio.
Dans le cas le plus simple, cela peut n'être qu'un téléphone, mobile ou autre; le studio crie "go", l'intervenant distant répond. Ce n'est pas suffisant dans de nombreuses situations, particulièrement si la session est interactive. Dans de tels cas, il est préférable que l'intervenant distant puisse entendre soit la sortie du studio soit un membre de l'équipe de production côté studio.
Avec une émission radio traditionnelle en direct, par exemple, l'intervenant écoute simplement le programme de la radio sur un récepteur radio. Cette écoute se fait au casque pour éviter une boucle de réinjection qui causerait un "larsen" ou une coloration. Si l'intervention ne se fait pas en direct à la radio ou à la télévision, ce signal n'est pas disponible, et la source de repère doit être envoyée par d'autres moyens. De plus, s'il y a un retard significatif dans la transmission, disons avec des relais satellites ou même des systèmes numériques, le retard de la voix dans le casque gênera l'intervenant par rapport au son réel. Là encore, une autre méthode doit être trouvée.
Quand des lignes terrestres analogiques dédiées et séparées étaient utilisées par les diffuseurs pour envoyer la sortie du studio en vue d'une écoute de contrôle inversée, ce problème de retard était éliminé pour les liaisons sensiblement courtes, mais un autre problème pouvait survenir, selon les performances en diaphonie des circuits. Le signal des participants devait voyager jusqu'au studio puis être renvoyé à la ligne d'écoute inversée. C'est en fait une boucle de réinjection dépendante de la fréquence. Si la diaphonie était suffisamment importante, on pouvait s'attendre à une coloration audible ou même à du larsen (le même problème s'applique aux lignes téléphoniques analogiques quand une sortie générale ou même partielle de la console de mixage est renvoyée à l'intervenant comme repère.)
Une solution est d'utiliser une source "clean-feed". C'est un mixage dédié de la sortie studio sans le signal de l'intervenant, renvoyé à l'intervenant pour qu'il puisse entendre ce qui se passe dans le studio (il faut prendre soin d'éviter la diaphonie qui causerait une coloration du signal du studio plutôt que de celui de l'intervenant !) En utilisant une source N-1, les intervenants peuvent entendre ce qui se passe dans le studio et y répondre de façon appropriée. Le studio devra bien sûr s'affranchir des divers retards entraînant des périodes de silence.
Une source "clean feed" est traditionnellement un mixage séparé dans la console du studio, avec son propre bus de mixage ayant pour source post-fader toutes les voies sauf celle de l'intervenant distant. Souvent, ces possibilités ne sont pas présentes dans les petits mélangeurs, bien que parfois un mixage auxiliaire ou de retour soit disponible et puisse servir à produire une source "clean feed".
Une source "mix-minus" est assez voisine, mais produite différemment. Elle est souvent employée dans des consoles moins traditionnelles pour réduire le coût. Ici, la sortie générale de la console du studio est ajoutée à la sortie post-fader de la voie de l'intervenant distant de façon à soustraire le signal distant ou à "l'annuler" dans le signal "mix-minus" qui en résulte. Cela peut bien fonctionner si les circuits de communication utilisés n'ont pas de caractéristiques particulières. Plus "parfaites" sont les liaisons, meilleur est le résultat. C'est une bonne solution quand le problème principal est simplement un retard temporel, et elle peut souvent être appliquée à l'aide d'adaptateurs externes appelés "générateurs mix-minus".
Ci-dessus était principalement évoquée une situation où, dans le studio, il y avait deux trajets de communication, un entrant et un sortant à destination du site distant participant. Une variante de cela est le cas où une ligne de téléphone analogique sert à ces deux trajets. C'est le cas probablement le plus commun. Malgré les communications numériques actuelles à l'aide de fibre, de liaisons micro-ondes et de satellites, les lignes téléphoniques des abonnés sont principalement analogiques, avec au moins les dernières centaines de mètres fournies sur une paire de fils, certains n'étant même pas torsadés. Aussi quelle que soit la haute technologie du côté studio, il existera une partie du trajet pour laquelle les signaux entrants et sortants seront véhiculés par la même paire de fils qui, si ces derniers étaient une ligne de transmission bidirectionnelle parfaite, entraînerait une réinjection à 100 %.
Même si le système clean-feed ou mix-minus était parfait, un peu de la sortie de la console de mixage reste envoyé à la paire de fils qui est supposée être le signal entrant de l'intervenant et donc revient par la voie "téléphone", souvent plus fort que le signal du téléphone lui-même. Ce problème est résolu par les "hybrides téléphone". Ceux-ci varient grandement en complexité. Au plus simple, il est possible de câbler deux transformateurs et quelques résistances pour produire un transformateur "hybride", qui procure trois ports. Un se branche directement sur la ligne téléphonique bidirectionnelle, un autre sert à l'entrée pour le retour vers la ligne de téléphone, le troisième fournit le signal voulu à la console de mixage. Les transformateurs sont câblés pour rejeter le signal indésirable revenant à la console de mixage. Si les impédances et niveaux sont tous corrects, cela peut très bien fonctionner, mais comme dans la réalité une ligne de téléphone est un exemple très imparfait de ligne de transmission, avec une impédance variant en fonction de la fréquence et des lignes de téléphone toutes différentes, l'excitation du réglage manuel de tels hybrides s'émousse rapidement ...
Les hybrides modernes utilisent une variété de techniques, numériques ou autres, pour compenser automatiquement différentes conditions de ligne et pour fournir à la console un signal distant aussi "propre" que possible en supprimant électroniquement la source de retour. Il n'y a pas grand chose à faire contre les échos du signal de retour remontant la ligne, mais les concepteurs essaient ! Certains hybrides ont leur propre fonction mix-minus intégrée. Sinon, une sortie clean-feed ou mix-minus sera requise sur la console, ou il faudra utiliser une unité mix-minus externe.